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Conférence deYves MICHAUD

Quimper, le 15 avril 1999, Salle du Chapeau-Rouge, organisée par l'association "La Liberté de l'Esprit"


"Condensé en quelques notes" par Alain Le Nouail


Yves Michaud est Philosophe et critique d'art depuis 25 ans et plus...
Dans les années 70 il rencontre le groupe support/surface, notamment à Montpellier.
Dans les années 80 il a dirigé l'Ecole Nationale Supérieures des Beaux-Arts de Paris

"La société française a mis du temps à accepter l'art moderne. Dès 1905, on a parlé d'un musée "d'Art Moderne; il a été créé en 1947 et installé dans ses meubles, à Beaubourg qu'en 1977."

"Dans les années 1970 on a commencé à parler d'Art Contemporain."

La crise

Début en 90/91. Revue Esprit de juillet/août 91./ Numéro spécial de Télérama "le grand bazar"./

Réplique dans Art Press et Beaux Arts Magazine. / Conférence au Jeu de Paume.

En 96, la polémique reprend de plus belle./ Libé, art. de Jean Baudrillard " l'art contemporain est nul ". / Krisis,nov 96, revue de droite (Alain de Benoist), publie plusieurs articles dans un dossier intitulé "Art, non-art".

En 97,réplique de Philippe Dagen, dans Le Monde du 15/02/97, " l'art contemporain sous le regard de ses maîtres censeurs "/ nombreux échanges à travers les revues.

 

Arguments relevés contre l'art contemporain :

- n'importe qui peut en faire autant; c'est très surfait.

- c'est hermétique, incompréhensible, réservé à une poignée de snobs.

 

Passage du monde moderne au monde post-moderne où les points de repère sont multiples et le public désorienté. Paris et New York ne sont plus des valeurs repères. Également désorientation par rapport à la politique culturelle étatique.

Les années 70.

On assiste à un regain de vitalité des avant-gardes et en même temps de leurs valeurs.
Fluxus, dernier mouvement réellement radical.
Le corps sujet et oeuvre, à la fois.
Le Land Art, le In Situ.
Les oeuvres hors des musées.
Expo d'Harald Szeeman, "Quand les attitudes deviennent formes".
Atmosphère de radicalisation et de contre culture de l'après 1968

À partir de 78, ces avant-gardes s'épuisent. Alors que les mouvements politiques radicaux s'essoufflent également (assassinat d'Aldo Moro, fin des Brigades Rouges).
En même temps des intellectuels ou critiques d'art commencent à théoriser et exposer leurs critiques de ces mouvements : Daniel Bell (usa), Harold Rosenberg (trotskiste us), Peter Fowler en GB

la subjectivité, le choc, le toujours nouveau.
les valeurs des années 70 sont des atteintes aux valeurs traditionnelles mais sont prêtes à être récupérées par le système capitaliste.

Rosenberg : il y a des artistes mais il n'y a plus d'art. les oeuvres n'ont plus de caractère esthétique.

Cette polémique qui a eu lieu dans les années 70 n'a lieu en France que dans les années 90 et alors seulement en France, avec 20 ans de retard. Exception de quelques voix qui se sont faites entendre plus tôt (Jacques Ellul : "l'empire du non sens").

Pourquoi ce retard ?

69 : Pompidou émet son idée de musée d'art contemporain.

73/74 : après la guerre d'Octobre (Moyen Orient) et le choc pétrolier, crise du marché de l'art.

77 : L'ouverture du Centre Pompidou a, en grande partie, masqué en France cette crise du monde de l'art contemporain (pas à l'étranger évidemment). L'ouverture du Centre a en effet créé un sorte d'euphorie et d'embellie de l'art contemporain français qui a ainsi été immunisé de la crise (idée développée par Y.M. dans une postface de la dernière réédition de son livre "crise de l'art contemporain).

Entrée de la France dans le post modernisme à la fin des années 70 / début 80.

Le mot "post moderne" a fait sa première apparition dans les écrits relatifs à l'architecture, en opposition au mot "moderne" dans le sens de rationnel, planifié,..

Notre système de représentation de l'art a changé. A la Renaissance les arts font encore partie des sciences. La notion d'auteur a remplacé la nécessité du commanditaire. Des lieux ont commencé à exister pour montrer de l'art (notion d'autonomie de l'art et de l'artiste - NDLR). On a commencé à penser l'art, à écrire sur lui, à accumuler des connaissances (apparition des critiques d'art); puis établissement et reconnaissance d'une histoire de l'art.

Au XIX ème siècle, les Beaux-Arts reposent sur une hiérarchie bien établie. Le développement important des arts décoratifs, durant la deuxième moitié du XIX ème, les font apparaître au même niveau de la hiérarchie; cela n'est pas sans bousculer l'aura " des artistes peintres". Il en est de même avec l'arrivée des moyens mécaniques de représentation (et de reproduction) que sont la photographie et le cinéma.

Puis s'élabore petit à petit un société de loisirs, de consommation et de tourisme (Y.M. croit beaucoup à l'impact du développement du tourisme sur l'évolution de la place de l'art dans la société contemporaine; ex. la Fondation Guggenheim à Bilbao) . Tout cela remet en cause le caractère "sacré" des Beaux-Arts.

C'est la fin d'une utopie communicationnelle de l'oeuvre comme objet transcendant toutes les subjectivités et touchant ainsi toutes les sensibilités. Bref c'est la fin d'un caractère (artificiellement ?) universel de l'oeuvre d'art.

Beaucoup d'oeuvres contemporaines sont issues d'une industrie à caractère culturel, fabriquées par des équipes, destinées autant à la distraction qu'à la contemplation. La contemplation subsiste dans les musées. Pour le reste on zappe, on scane, on ne conserve que ce que l'on veut. Le grand "Art" est ébranlé; ses critères sont sérieusement mis à mal.

Dans une atmosphère de mondialisation on assiste à une paradoxale montée des micro-revendications autour de l'affirmation du droit à la différence. Chaque groupe, chaque communauté élabore ses normes, ses critères ; d'où une diversité des normes et des préférences esthétiques et artistiques qui sont en concurrence et laissent peu de place une forme traditionnelle de l'art qui ne soit pas figée par l'académisme.

Désormais on est coincé entre la nostalgie (Luc Ferry, Jean Clair,..)et le cynisme désabusé (Jean Baudrillard).

En France ( spécialement depuis 1940 avec Uriage), on accorde beaucoup d'importance aux valeurs morales pédagogiques et communicationnelles de la culture et des arts. Cela a amené la France à créer un ministère de la Culture, à créer une bureaucratie culturelle qui est une instance de légitimation des activités de l'institution et des artistes eux-mêmes.

BIBLIOGRAPHIE DE LA POLÉMIQUE

Mars 81 revue le Débat Claude Lévy-Strauss " le métier perdu "

Sept/oct 81 revue le Débat Pierre Soukages " le prétendu métier perdu "

83 Jean Clair " considérations sur l'état des beaux-arts, critique de la modernité " Gallimard Essais

fév 86 revue Esprit dossier " Parler Peinture "

fév 87 revue Esprit dossier " l'Utopie Beaubourg, dix ans après "

1989 Yves Michaud " L'artiste et les commissaires: quatre essais non pas sur l'art contemporain mais sur ceux qui s'en occupent " éditions Chambon

juil/août 91 revue Esprit " l'Art aujourd'hui " sous titré y a-t-il encore des critères d'appréciation esthétique?

fév 92 revue Esprit " la crise de l'art contemporain "

oct 92 revue Esprit " l'art contemporain contre l'art moderne "

déc 93 revue Esprit n°197 page 68 Yves Michaud "Des Beaux-Arts aux bas arts : la fin des absolus esthétiques et pourquoi ce n'est pas plus mal "

1994 Jean-Philippe Domecq " Artistes sans art " éditions Esprit

nov 95 revue Esprit n° 216 Yves Michaud " De l'enseignement des beaux-arts "

-Connaissance des Arts octc 97 p 104 article de Yves Michaud p 109 article de Philippe Dagen

-Connaissance des Arts nov 97 p 116 reprise de l'avant propos du livre de Jean Clair " La responsabilité de l'artiste. Les avant-gardes entre terreur et raison "

-Connaissance des Arts -déc 97 courrier des lecteurs

-Jean Clair " La responsabilité de l'artiste " Gallimard Le Débat

-Catherine Millet " L'art contemporain " Flammarion Dominos

-Jacques Martinez " Par hasard et par exemple " Grasset Figures

-Yves Michaud " La crise de l'art contemporain : utopie, démocratie et comédie " PUF Interventions Philosophiques 1997

-Philippe Dagen " La haine de l'art " Grasset 1997

-jan 98 revue Esprit dossier

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En écho par P.G

Ce qu'il y a de rafraîchissant dans le propos de Yves Michaud c'est son élargissement. le Monde de l'Art n'y est plus une entité calfeutrée respirant un air appauvri, mais une partie de monde ( et petite, de surcroît...Peut-être de ce même monde où Catherine millet reproche aux productions artistiques de se diluer et de se perdre quand elles ne veulent plus se ranger sagement dans ses petites boîtes) .

Il relève le développement exceptionnel, dans les deux dernières décennies, "des Musées et des Dysneyland"*. Qu'on pourrait rapprocher d'une phrase publiée voici quelques années dans les colonnes du "Monde" qui demandait si le devenir des artistes ne passait pas autant par Eurodisney que par les modernes académies, pour un public qui aurait de plus en plus de mal à faire l'effort d'un regard réfléchi sur une oeuvre et préfèrerait les stimuli sensoriels (audio-visuel & multimedia) et les situations interactives .
*et cite l'exemple de la fondation Guggenheim de Bilbao "où la région accepte de payer tout et ne contrôler rien..." pour avoir son Musée.

Instructive remarque, assortie d'une autre : prévisions pour 2010 sur le plan mondial des "déplacements volontaires"(c'est-à-dire les gens qui se déplacent pour boulot ou tourisme, pas les kosovars...): 1,5 milliards ! C'est dire si le flux touristique ne va pas s'arrêter à ce qu'il est aujourd'hui, si la pression va continuer à se faire sentir . C'est dire si le monde de l'art est d'hors et déjà annexé aux attractions touristiques, peut-être sous l'appellation de "consommation culturelle". C'est dire si la culcure ressortit déjà à l'office de tourisme, ce dont on s'était déjà aperçu par ici.

ça donne à penser quand on est artiste dans une petite province, douée dit-on "d'une forte identité régionale".La survie artistique passera-t-elle à nouveau par le régionalisme, comme aux temps pas si éloigné des "artistes et artisans bretons" ou encore avant, l'époque de Jeff Friboulet et autres? Devra-t-on peindre désormais en bragou-braz et en public ? Sera-t-on obligé après l'an 2000, comme il arrive dans mes cauchemars quand j'ai trop mangé, de défiler déguisé au festival folklorique, sous peine d'être privé de RMI pour cause d'attentat larvé à l'effort industriel et à la valorisation des capitaux régionaux? Est-ce ce qui pend au nez des créateurs de la région qui "n'ont PAS SU s'inscrire dans le fonctionnement des institutions"*, comme on dit dans le petit monde de l'art et aussi chez les Belges, donc dans une esthétique peu ou pas régionaliste ? Et quels sont les débouchés possibles de celle-ci ?
*Tiens c'est marrant, justement j'ai trouvé qu'elles étaient assez peu représentées à la conférence, les institutions culturelles locales...mais j'ai peut-être PAS SU regarder...

Yves Michaud qui ne va pas par quatre chemins* trouve les artistes endormis, (dans son livre il parle des artistes fatigués) éteints par le système français de l'art, manquant d'énergie et de radicalité ; il se demande pourquoi le système français de l'art, qui dépend essentiellement de l'état, ne soutient pas davantage les contenus produits en France, etc. On voit mal comment, si cette règle régit le fonctionnement de l'art au niveau national , il en irait autrement dans les provinces de France et de Navarre, au nom du principe d'accroissement d'intensité inverse à la taille des poupées russes.
*("le mammouth est impossible à dégraisser, il vaudrait mieux carrément le découper en tranches")

Ah là là les gars (et les filles) on n'est pas sortis de l'auberge ...reste à s'aménager un petit coin de désert vivable et à ne compter que sur ses propres et frugales ressources. Mais ça on avions déjà cru le comprendre, hein...

Pol Guézennec

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