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Samy Scuiller,Bertrand Blot et Catherine Vaton : "AU GAI SABOT","À LA VILLE D'YS"
12 RUE LAËNNEC 29770 AUDIERNE, 02 98 75 02 18, Juillet-Aoùt

GENIUS Interview LOCI

 "La Galerie est née après quelques années d'inertie dans mon parcours après les Beaux-Arts," a l'air de s'excuser Samy Scuiller, "la pratique artistique continuait avec des installations in situ là où je vivais, une activité de potager, des choses liées à des rencontres, en petit comité ; l'art était lié à ma vie quotidienne plus qu'à une volonté d'exposer. C'était une période 'Robinson', RMi, il fallait se suffir de peu".
 Son travail ne prédestinait pas Bertrand Blot à l'art : il s'occupait de RMistes . Il y est venu " par la fréquentation d'artistes, le fait d'être baigné dans le milieu . J'ai voulu vivre d'une autre façon et par contagion j'ai commencé à faire des choses, des mobiles, des sièges... Je me nourris des oeuvres qu'on rencontre. "  

 À cette époque, co-locataires d'un moulin dans la campagne de Quimper, ils ont un flash à la visite de Vassivière*."On avait commencé à mettre en forme tout cet espace où on vivait, à y faire venir des artistes, montrer des oeuvres faites par d'autres, dans la nature, on voulait l'ouvrir au public". La vente de l'endroit par le propriétaire les met à la rue et fait capoter le projet.

 Arrive Catherine Vaton, transfuge de la distribution cinématographique, revenue un temps dans la région. Rencontre, et en route vers de nouvelles aventures : le trio s'associe pour ouvrir un lieu et y montrer de l'art.

    Ce sera dans une ancienne boutique de sabots prêtée par le grand-père Scuiller et ça s'appellera "Au Gai Sabot" comme dans le temps.

Montrer de l'art, oui. Et pas n'importe comment.
"On a rempli la galerie avec nos connaissances, nos amis communs. On ne voulait pas une galerie classique, et on savait qu'on travaillait en Juillet-Aout avec une clientèle d'estivants, élargie, pas exclusivement spécialiste. On a décidé de mêler le Souvenir, version coquillage-plage mais authentique, à l'art contemporain; il fallait de la variété, voire de l'artisanat". Le tout bien bigarré de préférence.

Fallait oser. Ils ont.

Oser mélanger des carrés de mosaïque de coquillages et de la peinture et des petits tableaux de paysage et de la photographie et du collage et de la sculpture et des bricolo et des dessins et des bijoux et des assiettes en faïence originales et des tables pour mettre en dessous, au gré des rencontres et de leur fantaisie . Casser les cloisonnements "Prôféssionnéls" entre art contemporain, art-on-ne-sait-pas-trop-quoi, pinturlure régionale, souvenirs alluile et en tutti quanti . Ne laisser personne tout-à-fait indemne dans son statut (souvent assez illusoire d'ailleurs, surtout dans nos provinces...). Faire un grand mélange, une bodega chargée "avec plein de choses différentes", dont les visiteurs "voient peut-être le quart à la première visite : ils sont obligés de revenir...", le contraire d'un accrochage puritain tiré au cordeau. Confronter, mettre en présence, laisser vivre. Fallait aussi être capable de défendre les oeuvres et de suggérer la mesure des choses. Vous en voyez beaucoup, vous, à se risquer sur ce terrain?

La formule fait grincer quelques dents mais fonctionne. Le bouche à oreille aussi. Des étrangers au pays ou à la région, au courant de la création contemporaine, achètent des objets et aussi des oeuvres. Des gens intéressés trouvent un accés à l'art "divers, différent, agréable". Les personnes non familiarisées, souvent terrorisées à l'entrée d'un lieu d'exposition, sont rassurées et reviennent. Certaines font le premier achat de leur vie. "Ils viennent grâce à l'accompagnement. On a des achats de connaisseurs, et des achats de gens non avertis"explique Bertrand,"on a réussi à faire prendre la sauce ; en 98, ce sont plutôt les étrangers à la région qui achetaient. Cette année on vend aussi à des bretons ; dans l'ensemble un public plus populaire, moins averti".
"Quelle bonne idée, il manquait un lieu comme celui-ci, ouvert, décontracté, accueillant", entend-on dire ici ou là.

Mais tout de même. Il manquait quelque chose :
"La possibilité de donner de bonnes conditions d'accrochage à certaines oeuvres, et de mettre en avant un artiste". Complicité du grand-père : tiens! il a une autre boutique, qui jouxte la première, un ancien magasin de bijoux, "A la Ville d'Ys" ça s'appellait.
Cette année elle sert à des expositions personnelles de 15 jours, 4 dans l'été. Le public passe d'un lieu à l'autre par l'arrière, via courette et terrasse,. L'espace est progressivement investi dans un esprit fluxus*-libertaire-seventies avec un certain génie du lieu.

   
 
Ce n'est qu'un début. Saatchi*, à Londres, il achète bien des restaurants et des hôtels, et il accroche au mur des oeuvres de son immense collection personnelle. De là à donner des idées à Samy et Bertrand...À voir en l'an 2000...

Car après deux ans d'expérience, ils veulent inscrire leur action dans le temps. Et la développer."Il faut que l'art vive ! "dit Bertrand Blot,"on en sait quelque chose : la moitié des artistes que nous soutenons est au RMi".
"Nous aussi, complète Samy, et on sait ce que c'est d'être traités de fainéants et de profiteurs. On ne donne pas à l'art les moyens d'exister, il faut les prendre ". Revanche sociale ? en tout cas ça existe et les dossiers d'artistes-candidats se font plus nombreux . Le Gai sabot & la Ville d'Ys imposent leur utilité : "parce que c'est une démarche respectueuse d'un public large".

Une de plus aussi, de démarche, à ranger dans la catégorie des artistes-qui-se mettent-au boulot-pour-exposer-le-travail-d'autrui. Tiens tiens...Signe des temps? Et qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, ça ?

Bon, on fait comme d'hab, si j'ai pas tout compris, vous m'expliquez le reste, hein !?

 

Quelqu'un, quelque part, attendant l'an 2000

* Vassivière : Centre d'Art ContemPorain en Limousin où de nombreuses oeuvres sont faites et exposées en relation à la nature, en extérieur
* Saatchi, le même que l'agence de com' Saatchi&Saatchi, est l'un des plus grands collectionneurs mondiaux d'art contemporain
* Fluxus, mouvement artistique des années 60 qui travailla à abolir les frontières entre l'art et la vie.

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