Histoires de crêpes ...
Ma grand-mère était crêpière dans un
minuscule village du pays Glazik, Leuhan. Elle avait décidé
d'apprendre ce métier sur le tard dans les années soixante,
car les revenus de mon grand-père, coiffeur dans ce même village,
avaient diminué de manière inquiétante à cause
de la mode "Yé-Yé" et d'une chanson de Françoise Hardy
qui vantait les mérites des cheveux longs pour les filles
comme pour les garçons... Une autre conséquence de la crise
financière familiale fut que ma grand-mère prit
l'habitude, quand elle invitait des gens à manger, de faire
des crêpes. Elles étaient excellentes, et c'était
un repas bon marché. Les invités;s, suivant la tradition,
venaient avec leur beurre. Je me souviens en particulier de mon
arrière-grand-père, le père de ma grand-mère.
Il était sabotier et habitait la maison mitoyenne. Il arrivait
au "repas de crêpes" avec sa plus belle assiette sur laquelle
il avait diposé en cercle, prédécoupés,
des morceaux de beurre de la taille d'une petite boite d'allumette.
Mon grand-père, lui, n'avait évidemment pas à apporter
son propre beurre, mais il avait une autre habitude, héritée
de son enfance à la ferme. Il commençait toujours son repas
par des crêpes "sès;ches", c'est-à-dire sans beurre.
Quand il sentait son appétit diminuer, il demandait alors deux
crêpes avec du beurre qui terminaient son repas. Il m'a souvent
rappelé que, dans son enfance, il n'avait le droit qu'à
une seule crêpe au beurre, toujours la dernière du repas.
Il pouvait demander autant de crêpes "sès;ches" qu'il voulait,
mais s'il avait encore faim apres sa crêpe au beurre c'était
trop tard, sa mère ne le servait plus...