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CESARIA EVORA : QUAND UNE VOIX FAIT TAIRE LA PLUIE

Après la pluie bretonne, le soleil d'Afrique. Il est monté pour réchauffer une première soirée de festival quimpérois ponctuée par les ondées et le fier crachin du pays. Monté haut, si haut que le ciel armoricain n'a pu, de nouveau, jouer de ses caprices qu'après le dernier rappel de Cesaria Evora. Stricte tunique sur jupe fourreau, la dame prend place discrètement au milieu de ses musiciens. Mais elle là, bien présente tout au long d'un spectacle tendre et fort.
De tout son être sombre - comme une provocation de circonstance -, celle que l'on veut Diva a fait rayonner de sa personnalité et de son chant limpide les couleurs de son natal Cap-vert. Avec une qualité vocale d'une exceptionnelle constance. A un point qui laisse penser que toutes les variations lui sont faciles, entre le rythme des colaredas et la langueur des mornas. Plus attentionné que sage, le public (2 500 personnes) s'est laissé porter, emporter au zénith de ce tour de force.
Celle que l'on dit aussi Mama a distillé l'émotion sans discontinuer. Avec, dans sa prestation, des envolées aux accents magiques qui, tout à la fois, parviennent à écorcher l'âme et réchauffer le cœur. Alors, dans ce méli-mélo intérieur où chahutent aussi les tempos de la danse, on se laisse volontiers bercer pour le seul plaisir de l'ondulation. Jusqu'à ce que la Mama, à son tour, laisse pointer la fragilité d'une éternelle enfant.
Entre deux chansons, elle porte la main à sa bouche, l'air coupable et l'œil naïf. Parce qu'elle s'aperçoit qu'elle a touché son auditoire au plus profond des sentiments. Quelques mots de français égarés dans un océan de portuguais : un voyou que l'on aime, le vol d'une tourterelle…
Deux de ses plus grands succès. Et puis Césaria nous abandonne un instant. Elle s'évade dans des volutes de fumée à la petite table d'un wagon, égayée de sa lampe champignon. Quelques pas sur scènes, balancement de hanches, complicité de ses musiciens et voilà que tout recommence. Comme si le concert en était à ses premières portées.
Le voyage reprend, tel le prélude sans fin d'un petit train errant dans un paysage de nostalgie. Cesaria ne manque pas de nous présenter ses voisins de compartiment. Elle ne s'oublie pas au passage : "me Cesaria" !
Deux rappels et le chant suave des amours déçues et de la solitude se tait. Le ciel chagrin de Quimper est tombé sous le charme. Il ressort timidement le bout de son nez. Comme s'il pleurait déjà celle qui a fait taire la pluie.

Interview de Cesaria EVORA, la diva aux pieds nus...

Césaria Evora, vos chansons sont inspirées du répertoire du Cap-Vert. Quelle est la place accordée aux traditions dans ce petit pays d'Afrique dont vous êtes originaire?
Au Cap-Vert, la tradition se porte bien, elle est perpétuée par les artistes du pays. Bien que la grande majorité de ceux-ci vivent hors du pays, ils continuent de chanter en créole. Et il y a chaque année un festival créole, un peu sur le modèle du festival de Cornouaille. Il existe depuis quinze ans et commence à prendre de l'ampleur.

Vous-même, dans quelle langue chantez-vous?
La plupart de mes chansons sont en portugais, la langue officielle du Cap-Vert. Dans mon prochain album, il y a aussi deux duos en espagnol avec Night Ken Hool. Et j'ai également enregistré des duos avec des artistes brésiliens.

Vous êtes donc favorable au métissage des cultures tel qu¹il se pratique au festival de Cornouaille? Oui, j'aime ce mélange de musiques du monde. Pour moi, le festival de Cornouaille peut être l'occasion de rencontrer des artistes de la région. Malheureusement, je repars dès demain. J'ai un agenda complet jusqu'à la fin du mois de décembre. Je reviens d¹une tournée au Liban et au Portugal où je me suis produite à l'occasion de l'Exposition universelle. La prochaine étape, c'est l'Italie. Je n'ai donc jamais l'occasion de demeurer longtemps au Cap-Vert. Mon rêve serait d'ailleurs d'y séjourner six mois.

Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre pays?
C'est un pays magnifique avec de superbes plages et des fruits de mer. Mais ce qui caractérise le plus le Cap-Vert, c'est la chaleur et l'hospitalité de ses habitants. Ma porte est toujours grande ouverte. Si vous venez au Cap-Vert, je vous ferais la cuisine. J'adore passer mon tablier et me mettre au fourneau. Et bien que je ne boive plus une goutte d'alcool, il y a toujours une bouteille de cognac pour ceux qui me rendent visite! A part çà, mon pays, c'est un formidable brassage de population : on y trouve des blonds aux yeux bleus, des personnes à la peau noire, des métisses. C'est ce qui fait toute la richesse culturelle du Cap-Vert !

Césaria Evora, vous êtes une femme pleine de joie de vivre. Pourtant vos chansons sont empreintes de tristesse. Cela peut sembler paradoxal !
C'est vrai que je chante des slows mélancoliques, mais cela n'est pas forcément synonyme de tristesse. C'est la « morna », un genre traditionnel venu de mon île. Cela se rapproche un peu du blues chanté par les populations noires qui est en fait l'expression d'une certaine rébellion.

On vous surnomme souvent " La Diva aux pieds nus ". D'où vient cette habitude de vous produire sur scène sans chaussures ?
Oh, ce n'est pas un style que je cherche à me donner ! C'est ancré dans ma nature. Au Cap-Vert, je ne porte jamais de chaussures. Mais en France, le sol est si froid...!

Propos recueillis par Hoel LOUARN et Solène PENHOAT

 

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Interview de Cesaria EVORA


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