Visite de M. Jacques
Chirac, Président de la
République, à Quimper, le
mercredi 29 mai 1996.
Monsieur le Président,
Soyez le bienvenu en Bretagne, à
Quimper bien sûr et dans
le Finistère où vous
séjournerez deux jours en Cornouaille.
C'est un honneur pour nous de vous recevoir.
Je suis très sensible
au fait que vous ayez choisi la mairie de
Quimper pour commencer votre voyage
officiel et c'est un honneur pour moi
d'être le premier à vous
adresser publiquement la parole. Je le ferai
comme Maire de tous les
Quimpérois s'adressant au
Président de tous les
Français.
Permettez-moi d'abord d'évoquer
quelques liens entre vous, la
Bretagne et Quimper :
- Je passe sur la composition de
l'équipe du P.S.G.. Avouez
qu'elle doit une part de son succès
à ses joueurs bretons.
- Plus sérieusement, je rappelle
que les hommes de Corrèze
se trouvent bien à Quimper. Deux de nos
illustres représentants
venaient de ce département qui vous est
cher : André Monteil
qui fut ministre de Pierre
Mendès-France et Edmond Michelet qui
fut
celui du Général de Gaulle et de
Georges Pompidou.
- Je n'oublie pas que Quimper a failli en
1940 devenir capitale de la
France. Je le dis à l'ancien maire de
Paris mais n'y voyez aucune
prétention particulière. Dans
ses Mémoires, le
Général de Gaulle évoque
en effet la possibilité
de poursuivre la guerre à partir du
réduit breton. On connait
la suite : pour Paul Reynaud ce fut Bordeaux ;
pour Charles de Gaulle ce
fut Londres.
Votre voyage intervient à
une période d'interrogations
pour la Bretagne. En 30 ans, elle a connu un
formidable bouleversement. Tout
ce qui a fait son essor à partir des
années 60 est aujourd'hui
remis en question.
- Il y a 30 ans, pour commencer par
l'actualité, elle recevait
la force de dissuasion stratégique dans
le contexte du face à
face Est-Ouest. Elle sait maintenant que la
dépense militaire va diminuer.
Elle ne demande pas qu'elle soit
augmentée. Elle attend que l'emploi
actuel soit reconverti s'il le faut ou que
l'emploi perdu, s'il doit
l'être, soit compensé. Pour la
défense de la France,
la Bretagne a toujours beaucoup donné.
Elle attend le juste retour
de la solidarité nationale.
- Il y a 30 ans, elle relevait le
défi européen. Elle
est restée fidèle à la
construction européenne
sans cesser d'être fière de ses
racines. Le traité d'Union
adopté par référendum en
1992 lui doit beaucoup. Depuis
5 ans, elle regarde cette Europe partir vers
l'Est. Elle est d'accord pour
accueillir les pays qui sortent du
totalitarisme. Elle attend, au sein de
l'Arc atlantique, le juste retour de la
solidarité européenne.
- Il y a 30 ans, elle se lançait
dans l'agriculture et
l'élevage intensifs. Une puissante
industrie agro-alimentaire est
née de ce choix. En ce moment, ce
modèle agricole trouve son
aboutissement et ses limites. La nature se
rappelle toujours au bon souvenir
des hommes. Un nouveau mode de production est
à imaginer. Nous avons
besoin du concours de tous les partenaires,
dont l'Etat, pour relever ce
nouveau défi.
- Il y a 30 ans, notre pêche
s'industrialisait et se mécanisait.
Aujourd'hui, la ressource est menacée ;
les marchés sont sauvages
; les dévaluations sont ravageuses et
font aspirer à une monnaie
unique européenne. Nos
marins-pêcheurs, peu nombreux dans le
pays, mais déterminants en Bretagne,
ont besoin d'une grande politique
maritime de la France pour surmonter cette
crise nouvelle. Leur volonté
sera efficace si elle rencontre
l'énergie de l'Etat.
- Il y a 30 ans, le plan routier breton
désenclavait la Bretagne.
Pour demain, elle attend un T.G.V. plus rapide
et la confirmation de ses
lignes aériennes. On est toujours
l'enfant de sa géographie.
La Bretagne est une péninsule de 250
km. Elle commence mais ne doit
s'arrêter ni à Rennes, ni
à Nantes.
- Il y a 30 ans, elle devenait une terre
de télécommunications
pour le pays tout entier. En cette fin de
siècle, le défi est
mondial. Notre région peut toujours
être la terre des nouvelles
technologies de l'information et de la
communication. Elle a la matière
grise nécessaire.
- Il y a 30 ans, elle se méfiait
un peu des touristes tout en
les recevant avec plaisir. Cette
réserve toute bretonne aura
été une chance : elle a
préservé nos côtes
du béton auquel n'a pas
échappé la
Méditerranée.
La Bretagne est en passe de devenir la
première région touristique
de France. Aujourd'hui, c'est une industrie
prometteuse si elle reste
respectueuse des cultures et des paysages.
Trente ans après, nous
construisons un nouveau modèle
breton :
- Il s'appuiera encore sur la
volonté des hommes et des femmes
qui, ici, ne faiblit jamais.
- Il misera sur l'intelligence, celle que
l'on met dans la recherche,
la formation, l'innovation.
- Il sera plus urbain car les Bretons
vivent comme tous les Français
de plus en plus dans les villes ou autour des
villes.
- Il développera l'harmonie entre
la ville et la campagne que
nos territoires intercommunaux sauront
fédérer.
- Il conciliera l'économie et
l'écologie, le droit au
travail et la protection de la nature.
- Il restera fidèle à notre
culture, celle d'une Bretagne
qui a le sens de l'universel, celle que le
quimpérois Dan ar Braz
a représenté à Oslo il y
a 10 jours.
- Il s'inspirera de l'humanisme social,
celui que résument toujours
très bien les trois mots de la devise
de notre République.
Premier élu breton à
vous parler au début
de votre voyage, j'ai la chance de pouvoir
évoquer toutes ces questions
devant vous. Comme je me suis permis de vous
transmettre quelques dossiers
quimpérois qui attendent une aide ou
une décision de l'Etat
: crédits pour le logement ;
crédits pour nos travaux de lutte
contre les inondations ; demande de
délocalisation d'unités
administratives et de recherche ; autorisation
pour un appareil de
résonance magnétique
nucléaire à
l'Hôpital.
Chef-lieu du Finistère, capitale
de la Cornouaille, Quimper
s'inscrit dans ce tournant dont l'avenir dira
s'il est historique. Nous avons
des rendez-vous proches pour
concrétiser ce projet dans les faits
: le XIIème plan et le schéma
national d'aménagement
du territoire.
Ce soir est l'occasion de faire de vous,
Monsieur le Président,
avec votre consentement, un allié et un
avocat dans cette nouvelle
étape.
Au nom de la population
quimpéroise, de son conseil municipal
et de moi-même, je vous renouvelle mes
voeux de bienvenue et vous exprime
à nouveau tout l'honneur que nous avons
à vous accueillir.
Bernard Poignant
Cadeau :
A l'occasion de votre visite, la ville
de Quimper est heureuse de vous
offrir un cadeau qui évoquera un
lointain pays. Mais après
tout, nous sommes ici à la pointe de
l'Eurasie. La Chambre de Commerce
et d'Industrie a d'ailleurs ouvert à
Quimper un institut pour l'Asie
et le Pacifique. Surtout, j'ai lu que vous
aimiez la Chine, l'Asie, ses
civilisations. Cette statue date du XVIIe
siècle : elle est une
déesse de la miséricorde. Nous
en avons tous besoin à
un moment de notre vie.